Tous les jours ces
immigrés sont en place,
Qui forment des
groupes épars sur la place,
Qui échangent un
mot de temps en temps,
Le sourire aux
lèvres toujours présent.
Regardent dans la
ville étourdissante,
Toujours empressée
et assourdissante,
Passer, repasser
passants et voitures,
Laissés de côté
contre la bordure
En lisière du
rythme d’une vie
Dont ces vieux ne
font plus guère partie.
Qui sont venus bâtir
nos grands ensembles
Où en masse on les
a parqués ensemble,
Qui firent la
fierté de la nation,
Symboles un temps
de modernisation.
Que d'autres aujourd'hui
cassent à la masse
Pour faire table
rase en leurs décombres
D’un passé
colonial qui les encombre,
De problèmes
sociaux qui les dépassent.
Et quand bien même
leur banlieue est laide
Jamais ils ne retourneront
au bled
Mais c’est sans
doute bien mieux car Là-bas
L’ancien pays a
changé à tout va,
S’y rendre les avait
tant dérangés
Lorsqu’ils s’y
étaient sentis é-tran-gers.
Et ils préfèrent ne
s'en souvenir
Qu’au travers de
leurs jeunes souvenirs,
Se réchauffant à
son soleil brûlant,
Et se parlant entre
eux du temps d'avant
Et puis se le
représenter surtout,
Un point [dans le
ciel bleu], et voilà tout.
Et grandissent ici
leurs petits-enfants
Dont ils ne
veulent pas perdre un instant,
Rattraper le temps
des épuisements
Quand pour leurs
fils ils n’étaient pas présents.
Dont ils ne
comprenaient pas la violence,
Eux qui acceptaient
tout, et en silence,
Désespérés, ne
sachant être pères,
Désemparés, privés
de tout repère.
Mais aujourd'hui, cela
est du passé,
Ce qui arriva devait
arriver,
Même jusqu’au plus
violent des orages,
Au fond d'eux il
n'y a plus guère de rage.
Il peut s’ébattre le
ballet des bus !
Alentour d'eux,
figés dans leur rictus,
Immobiles, comme sont
des points fixes,
En paroles Hommes bien
peu prolixes.
Qui sont venus bâtir
nos grands ensembles
Où en masse on les
a parqués ensemble,
Qui faisaient la
fierté de la nation,
Symboles un temps
de modernisation.