lundi 28 octobre 2013

Auto portrait

Sans cesse inachevé, je suis une œuvre humaine
De la fin vingtième, début vingt-et-unième
Qu’on pourrait croire être figuratif portrait
Mais qui sous la croûte du crâne reste abstrait.

Noir regard que souvent l’on prend pour de la haine,
En tous points conforme aux heures contemporaines,
Mes traits sont bien grossiers, voire même équivoques
Et déjà torturés, comme peints par Pollock.

Exposé aux vents froids, jamais aux alizés
Dès le début je fis salon aux Refusés
Ni je ne pus sortir de mon cadre étriqué,
Paré du seul vernis de savoirs fabriqués.

Le visage vieillit, pareil à Dorian Gray
Les traits décomposés par faute des regrets
Où le Temps, ce peintre, sur cette toile hérisse
De creuses rides assassines de la peau lisse !

lundi 14 octobre 2013

Dépôt de Liban

Aujourd’hui que sans moi le grand Monde s’agite
Il me souvient qu’enfant, il entra dans ma tête
Tout à coup, en entier y faisant irruption
Comme un violent volcan en sa vive éruption !

Brûlante alors coula son actualité
Avec ses grands titres aux belles sonorités
Qui sonnèrent en moi, inconnus et étranges
Pour créer en mon esprit de saugrenues images.

Ainsi le Shah d’Iran, ce souverain Persan
M’était comme un félin au vif regard perçant.
Les mollahs, de poussifs califes à Goscinny
Et les ayatollahs, yaourts au lait, eh oui !

Les Maronites y devenaient des arbres verts,
Chiisme était conflit, Chiites durs tels pierre.
Les Phalangistes avaient aux mains d’immenses os, 
Je voyais les Druzes vêtus tels des robots !

Oui, leur sonorité inconnue et étrange
Créait en mon esprit ces saugrenues images !

lundi 7 octobre 2013

Chaîne [logique] alimentaire de l’Homme mondialisé

Pour que ce quelconque
Distributeur automatique
Me délivre ce café
Que d’un geste instantané
Je porte à mes lèvres asséchées :

Il a fallu un gobelet, et donc du plastique, extrudé et moulé dans une vallée alpine qui suite aux plans de restructuration de la sidérurgie s’est spécialisée dans la plasturgie, fabriqué à partir de pétrole transporté par un supertanker qui a échappé de justesse aux pirates de Somalie dans le Golfe Persique en cette zone où des hommes se spécialisent dans la piraterie car les plans d’ajustement structurel du FMI ont diminué les soutiens publics à l’agriculture ce qui a chassé les paysans de leurs terres, partis grossir les rangs des déshérités affluant vers les villes en renforçant l’armée des pêcheurs sans poissons privés des produits de l’exploitation de la mer par les concessions de pêche accordées par leur gouvernement à des navires étrangers super-équipés qui accaparent toute la ressource halieutique. Avant cela, il avait fallu verser des pots de vin aux gouvernements des pays producteurs de pétrole pour qu’ils ferment les yeux sur le pillage de leurs ressources, tout en finançant des mouvements islamistes afin qu’ils canalisent la révolte de leur peuple écœuré que la manne pétrolière ne bénéficie qu’à quelques-uns et qui se trouve frappé de plein fouet par l’augmentation des prix du pain consécutive aux engagements pris dans la lutte contre l’effet de serre par les pays développés qui en favorisant la culture des oléagineux au détriment des céréales renchérissent leur prix...

Il a fallu du sucre, de betteraves sucrières venues de Picardie qui avaient passé tout l’hiver sous terre, sous un permanent et lourd ciel gris couleur de plomb dans l’humidité, le froid et les pesticides.

Il a fallu une petite cuillère en plastique, de la même matière que le gobelet mais issue d’un pétrole de qualité inférieure que l’on extrait dans les tourbières de sables bitumineux du Canada oriental, qui endommage considérablement l’environnement si l’on considère qu’il faut quatre tonnes de sables pour produire un unique baril de brut.

Il a fallu le café, venu du Vietnam : un café étiquetable mais non équitable, de type Robusta, provenant de ce nouveau producteur devenu le deuxième du monde en développant une politique agressive suite aux recommandations de la Banque Mondiale dans les années 80 visant à supplanter les plantations millénaires de riz par celles de café ce qui a réduit la production de riz et fait augmenter son cours avec pour effet d’affamer le Bangladesh voisin dont c’est l’alimentation principale, production de café somme toute contre nature et que rejettera à terme la nature mais peu importe lorsque les papilles de l’Occident ne voient pas la différence.

Il a fallu de l’eau et pour cela que le soleil brille sur la mer à l’équateur et fasse s’évaporer l’eau qui en montant vers le ciel est devenue vapeur et nuages qui portés par les vents provoqués par les différences de pressions résultant des différences d’ensoleillement ont glissé vers l’Europe occidentale où ils se sont heurtés aux montagnes, puis en s’élevant pour les dépasser sans y parvenir ont crevé en pluie dont l’eau a ruisselé dans des ruisseaux qui font les grandes rivières qui se sont infiltrées dans les failles de la terre et sont passés devant des fresques murales préhistoriques pas encore découvertes par un gamin désœuvré puis sont réapparues à des kilomètres de là pour finir dans le grand fleuve et en aval, dans une station d’épuration qui l’a purifiée et conduite vers le château d’eau qui l’a mise sous pression pour être canalisée vers l’arrivée d’eau légèrement entartrée de ce distributeur de boissons chaudes.

Il a fallu la pièce de monnaie que j’ai inséré, frappée du bon coin dans une province française reculée dans une entreprise centenaire qui ne s’est pas retrouvée en dépôt de bilan lors du passage à l’euro grâce à la bienveillance du gouvernement pour l’emploi dans les zones rurales, qui a négocié au niveau européen que la fabrication des nouvelles pièces ne serait pas centralisée et délocalisée ce qui, avec les différentiels de salaires en faveur des pays d’Europe de l’Est aurait pourtant été frappé du bon coin du bon sens, arguant que l’on tienne compte du savoir-faire de frappe de la monnaie dans la vieille Europe.

Il a fallu qu’une machine rassemble ces éléments minéraux et organiques, elle-même montage d’éléments disparates résultat des hasards de la mondialisation mais dont on sait seulement qu’elle est fabriquée en Italie du Nord dans une petite entreprise héritée de grand-père qui a su résister aux délocalisations en innovant continûment et dont le patron vote pour la Ligue du Nord car il trouve qu’il paye trop d’impôts pour « Rome la voleuse » et pour ces immigrés qu’il n’hésite pourtant pas à embaucher sans être trop regardant sur leurs papiers pour faire le boulot du nettoyage des cuves contenant des produits chimiques et autres galvanisants…

Ainsi, en appuyant sur son bouton,
D’un geste irréfléchi et insouciant,
Tous ces lointains événements
Se sont rejoints à mes lèvres,
Comme l’aurait fait une hostie,

Avant de se séparer à nouveau.

Et moi, indifférent, négligemment
J’ai jeté le gobelet dans la poubelle…

Il y a un siècle l’être humain
Était pur produit de son terroir
Qui le nourrissait de son lait,
Appellation d’Origine Contrôlée.

Mais les molécules qui nous composent
De plus en plus se mondialisent
Et je me sens perdu,
autant qu’un pied de vigne de Bordeaux
Grandissant sous le soleil californien.