lundi 21 novembre 2016

Maîtres-Etalons


En une autre époque, les noirs instituteurs,
Lorsque nous grandissions furent nos premiers tuteurs,
Maîtres-étalons réglant l’orée de notre vie,
Modèles incontestés quand nous étions petits.

Donnant une table aux matières comme appât,
Aux études primaires un grand certificat,
Ils inscrivaient l’honneur sur un tableau vert-gris
Et décernaient même pour l’amitié un prix.

Professeurs de leçons de choses d’une vie
Qu’ils ne connaissaient bien qu’au travers des écrits,
Ils œuvraient à classer en classe le Vivant,
Fort catégoriques et tout catégorisant !

Et ils nous révélaient déjà et non sans mal
Qu’à l’instar des règles faites d’un dur métal
Dont la vue menaçait les ânes irréductibles
La règle des choses serait à vie in-fle-xi-ble !

Quand plus tard, l’on pense à ce passé dérisoire,
Même vains, leurs efforts nous semblent méritoires
Car après eux, la vie nous donne une leçon,

Si bien qu’on n’y pense jamais sans émotion…

lundi 14 novembre 2016

Le Raisin de la Colère


Et pourtant, la vigne devait donner !
Les grappes déjà grosses promettaient,
Ses ceps étaient bras forts de Prométhée,
Les grains étaient sucrés, c’était l’été !            
Avec hâte, on attendait la vendange
Et même là-haut, la part des anges.

Mais de son vin, nul ne put rien boire.
Il fut mal tiré, faute aux déboires,
Lui, dont on escomptait l’allégresse
Et la danse qu’offrirait l’ivresse,
N’est que du vinaigre aigri, non demandé,
Au plat du jour bon à accommoder.

C’est ainsi que sa peau, reste de matière,
Privée de son alcool, sel de sa terre,
Seule subsiste, comme une défroque
Qui prît forme pleine en une autre époque.

Et pourtant, ma vie devait donner !
Mes rêves de gosse promettaient,
Mes biceps étaient bras forts de Prométhée,
Je grandissais, c’était l’été !                       
Avec hâte, on attendait que j’engrange
Que j’aille bien haut, avec ma gueule d’ange.

Mais c’est en vain, nul ne put rien voir,
Mon sort fut mal tiré, faute aux déboires,
Moi, dont on appréciait l’allégresse
Et l’insouciance qu’offrait ma jeunesse,
Ne suis qu’un homme mûr, aigri et démodé,
Au goût du jour bon à s’accommoder.

C’est ainsi que ma peau, reste de matière, 
Im-bi-bée d’alcool, verre après verre,
Seule subsiste, comme une défroque

Qui prit forme humaine en une autre époque.


mercredi 9 novembre 2016

Immigrés en Destin


Tous les jours, ces vieux immigrés sont en place
Qui forment des groupes épars sur la place,
Echangent un mot de temps en temps,
Le sourire aux lèvres toujours présent.
  
Ils sont venus construire nos grands ensembles
Où en masse on les a parqués ensemble,
Qui firent la fierté de la nation
Oui, symboles un temps de modernisation.

Que d'autres aujourd'hui cassent à la masse
Pour mieux faire table rase, en leurs décombres
D’un passé colonial qui les encombre,
De problèmes sociaux qui les dépassent.

Et même si leur banlieue est laide
Jamais ils ne retourneront au bled
Et c’est sans doute mieux car là-bas
Le pays a changé à tout-va,
S'y rendre les a dérangés,
Ils s'y sont sentis étrangers !

Et puis c’est ici que grandissent leurs petits-enfants
Dont ils ne veulent plus perdre un seul instant,
Rattraper l’âge où abrutis d'épuisement
Jamais pour leurs fils ils n’étaient présents.

Ces jeunes dont ils ne comprenaient pas la violence,
Eux qui avaient tout accepté en silence,
Désespérés par eux, ne sachant être pères,
Désemparés ici, privés de tout repère.

Mais aujourd'hui c’est du passé,
Ce qui arriva devait arriver
Et il s’ébat le ballet des bus
Autour d'eux, figés dans leur rictus,
Immobiles comme des points fixes,
En paroles, hommes peu prolixes.

Qui étaient venus construire nos grands ensembles
Où en masse ils étaient parqués ensemble,
Qui faisaient la fierté de toute la nation

Oui, symboles un temps de modernisation.