lundi 25 mai 2015

J'ai croisé l'homme qui transforme le plomb en or


Il tient un stand de tir aux ballons dans la fête foraine
Où volent au gré d'un maigre ventilateur des baudruches
Que des badauds armés d'une carabine, mais sans haine,
Abattent pour repartir avec, peut-être, une peluche.

Enfants et adultes visent les ballons avec aplomb,
Souvent les ratant, en explosant deux d'une seule touche
Et payent encore et encore pour avoir un rab de plombs,
Ces petites mitrailles qui feront les grandes cartouches.

Dans la poche se mêlent les plombs et les pièces sonnantes,
De cet homme qui depuis des années vit dans ce décor,
Qui a tout vu, oui, même des choses des plus détonantes,

Ce philosophe inconnu, qui transforme le plomb en or.

lundi 18 mai 2015

L'Inspiration de l'Aspiration


Les trains ont pour particularité
D’emporter mes pensées, comme happées
Par le fort souffle de l’inspiration
Que provoque leur vive aspiration.

Dans cet univers de périls hostiles
La nature livre un combat, ô stérile
Et le tracé pourtant si droit des voies
Lui est redoutable chemin de croix.

Dramatiques, les changements brutaux
Ainsi que le choc rugueux des métaux
M’expriment, oui, sans fard la part infernale
De notre vie où le métal fait mal.

Ils m’évoquent la dureté du monde
Plus qu’un pneu de gomme émolliente et ronde,
Qui en effaçant toutes aspérités
Ne m’en rend qu’une image aseptisée.

Ce monde, où de la chaleur cependant 
Naît de nos violents frottements d'amants. 

lundi 11 mai 2015

Les Parisiens


Qu’ils ont de ces têtes, les Parisiens !
À leur tête qui le veau bien ils semblent,
Orgueilleux autant que des Pharisiens,
Jamais n’apprécier d’être mis ensemble
Mais cependant aiment à s’agglutiner,
En l’agglomération s’agglomérer ?!

La foule étouffante où ils font passage
Provoque tout au fond d’eux, à la fois
L’envie d’immensité, de paysages
Et dans la multitude oubli de soi.

Toujours au visage ils arborent un masque,
Celui de qui est de tout revenu,
Dur pour les êtres en le métro fantasques,
Qui ne veut rien savoir, ni qui-es-tu.

Et pourtant, qu’il mauvais temps ou qu’il grève,
Qu’impromptu un événement survienne
Briser ce quotidien qui les aliène,
Tombe alors ce masque sans coup férir,
Laissant voir, inattendu, un sourire.

Instant éphémère, comme une trêve.

lundi 4 mai 2015

Chaîne Logique Alimentaire de l'Homme Mondialisé

Pour que ce quelconque
Distributeur automatique
Me délivre ce café
Que d’un geste instantané
Je porte à mes lèvres asséchées :

Il a fallu un gobelet, et donc du plastique, extrudé et moulé dans une vallée alpine qui suite aux plans de restructuration de la sidérurgie s’est spécialisée dans la plasturgie, fabriqué à partir de pétrole transporté par un supertanker qui a échappé de justesse aux pirates de Somalie dans le Golfe Persique en cette zone où des hommes se spécialisent dans la piraterie car les plans d’ajustement structurel du FMI ont diminué les soutiens publics à l’agriculture ce qui a chassé les paysans de leurs terres, partis grossir les rangs des déshérités affluant vers les villes en renforçant l’armée des pêcheurs sans poissons privés des produits de l’exploitation de la mer par les concessions de pêche accordées par leur gouvernement à des navires étrangers super-équipés qui accaparent toute la ressource halieutique. Avant cela, il avait fallu verser des pots de vin aux gouvernements des pays producteurs de pétrole pour qu’ils ferment les yeux sur le pillage de leurs ressources, tout en finançant des mouvements islamistes afin qu’ils canalisent la révolte de leur peuple écœuré que la manne pétrolière ne bénéficie qu’à quelques-uns et qui se trouve frappé de plein fouet par l’augmentation des prix du pain consécutive aux engagements pris dans la lutte contre l’effet de serre par les pays développés qui en favorisant la culture des oléagineux au détriment des céréales renchérissent leur prix...

Il a fallu du sucre, de betteraves sucrières venues de Picardie qui avaient passé tout l’hiver sous terre, sous un permanent et lourd ciel gris couleur de plomb dans l’humidité, le froid et les pesticides.

Il a fallu une petite cuillère en plastique, de la même matière que le gobelet mais issue d’un pétrole de qualité inférieure que l’on extrait dans les tourbières de sables bitumineux du Canada oriental, qui endommage considérablement l’environnement si l’on considère qu’il faut quatre tonnes de sables pour produire un unique baril de brut.

Il a fallu le café, venu du Vietnam : un café étiquetable mais non équitable, de type Robusta, provenant de ce nouveau producteur devenu le deuxième du monde en développant une politique agressive suite aux recommandations de la Banque Mondiale dans les années 80 visant à supplanter les plantations millénaires de riz par celles de café ce qui a réduit la production de riz et fait augmenter son cours avec pour effet d’affamer le Bangladesh voisin dont c’est l’alimentation principale, production de café somme toute contre nature et que rejettera à terme la nature mais peu importe lorsque les papilles de l’Occident ne voient pas la différence.

Il a fallu de l’eau et pour cela que le soleil brille sur la mer à l’équateur et fasse s’évaporer l’eau qui en montant vers le ciel est devenue vapeur et nuages qui portés par les vents provoqués par les différences de pressions résultant des différences d’ensoleillement ont glissé vers l’Europe occidentale où ils se sont heurtés aux montagnes, puis en s’élevant pour les dépasser sans y parvenir ont crevé en pluie dont l’eau a ruisselé dans des ruisseaux qui font les grandes rivières qui se sont infiltrées dans les failles de la terre et sont passés devant des fresques murales préhistoriques pas encore découvertes par un gamin désœuvré puis sont réapparues à des kilomètres de là pour finir dans le grand fleuve et en aval, dans une station d’épuration qui l’a purifiée et conduite vers le château d’eau qui l’a mise sous pression pour être canalisée vers l’arrivée d’eau légèrement entartrée de ce distributeur de boissons chaudes.

Il a fallu la pièce de monnaie que j’ai inséré, frappée du bon coin dans une province française reculée dans une entreprise centenaire qui ne s’est pas retrouvée en dépôt de bilan lors du passage à l’euro grâce à la bienveillance du gouvernement pour l’emploi dans les zones rurales, qui a négocié au niveau européen que la fabrication des nouvelles pièces ne serait pas centralisée et délocalisée ce qui, avec les différentiels de salaires en faveur des pays d’Europe de l’Est aurait pourtant été frappé du bon coin du bon sens, arguant que l’on tienne compte du savoir-faire de frappe de la monnaie dans la vieille Europe.

Il a fallu qu’une machine rassemble ces éléments minéraux et organiques, elle-même montage d’éléments disparates résultat des hasards de la mondialisation mais dont on sait seulement qu’elle est fabriquée en Italie du Nord dans une petite entreprise héritée de grand-père qui a su résister aux délocalisations en innovant continûment et dont le patron vote pour la Ligue du Nord car il trouve qu’il paye trop d’impôts pour « Rome la voleuse » et pour ces immigrés qu’il n’hésite pourtant pas à embaucher sans être trop regardant sur leurs papiers pour faire le boulot du nettoyage des cuves contenant des produits chimiques et autres galvanisants…

Ainsi, en appuyant sur son bouton,
D’un geste irréfléchi et insouciant,
Tous ces lointains événements
Se sont rejoints à mes lèvres,
Comme l’aurait fait une hostie,

Avant de se séparer à nouveau.

Et moi, indifférent, négligemment
J’ai jeté le gobelet dans la poubelle…

Il y a un siècle l’être humain
Était pur produit de son terroir
Qui le nourrissait de son lait,
Appellation d’Origine Contrôlée.

Mais les molécules qui nous composent
De plus en plus se mondialisent
Et je me sens perdu,
autant qu’un pied de vigne de Bordeaux

Grandissant sous le soleil californien.