lundi 30 novembre 2015

Ruche-Hour


Je pénètre un entrepôt devenu vide

Vide des hommes, et de leur sueur,
Du bruit assommant des machines hurlantes,
De toute cette ruche bourdonnante
Qu’on y voyait à l’heure du rush-hour.

Vide du travail, fait, vécu, ah la chaîne !
Qui leur vie durant les avait asservis
Mais vide aussi, des entraides en chaîne,
Cet entre potes aimant qui les servît.

Sa localisation d'antan, rigide
Est un zéro absolu, ensemble vide,
Faute aux délocalisations aux marges
Car la production a pris le grand large
En même temps que les machines
Vers de lointaines et menaçantes Chines.

Ici désormais seules des abeilles,
Ultime, oui, Communauté, veillent
Au sein de leurs ruches, industrieuses,

Ainsi que quelques mouettes, crieuses.

lundi 23 novembre 2015

Chaîne [logique] Alimentaire de l’Homme Mondialisé


Pour que ce quelconque
Distributeur automatique
Me délivre ce café
Que d’un geste instantané
Je porte à mes lèvres asséchées :

Il a fallu un gobelet, et donc du plastique, extrudé et moulé dans une vallée alpine qui suite aux plans de restructuration de la sidérurgie s’est spécialisée dans la plasturgie, plastique fabriqué à partir du pétrole transporté par un supertanker qui a échappé de justesse aux pirates de Somalie dans le Golfe Persique en cette zone où des hommes se spécialisent dans la piraterie car les plans d’ajustement structurel du FMI ont diminué les soutiens publics à l’agriculture ce qui a chassé les paysans de leurs terres, partis grossir les rangs des déshérités affluant vers les villes en renforçant l’armée des pêcheurs sans poissons privés des produits de l’exploitation de la mer par les concessions de pêche accordées par leur gouvernement à des navires étrangers super-équipés qui accaparent toute la ressource halieutique. Avant cela, il avait fallu verser des pots de vin aux gouvernements des pays producteurs de pétrole pour qu’ils ferment les yeux sur le pillage de leurs ressources, tout en finançant des mouvements islamistes afin qu’ils canalisent la révolte de leur peuple écœuré que la manne pétrolière ne bénéficie qu’à quelques-uns et qui se trouve frappé de plein fouet par l’augmentation des prix du pain consécutive aux engagements pris dans la lutte contre l’effet de serre par les pays développés qui en favorisant la culture des oléagineux au détriment des céréales renchérissent leur prix...

Il a fallu du sucre, de betteraves sucrières venues de Picardie qui avaient passé l’hiver sous terre, sous un permanent ciel gris couleur de plomb dans l’humidité, le froid et les pesticides.

Il a fallu une petite cuillère en plastique, de la même matière que le gobelet mais issue du pétrole de qualité inférieure que l’on extrait dans les tourbières de sables bitumineux du Canada oriental, qui endommage considérablement l’environnement si l’on considère qu’il faut quatre tonnes de sables pour produire un seul baril de brut.

Il a fallu le café, venu du Vietnam : un café étiquetable mais non équitable, de type Robusta, provenant de ce nouveau producteur devenu le deuxième au monde en développant une politique agressive suite aux recommandations de la Banque Mondiale dans les années 80 visant à supplanter les plantations millénaires de riz par celles de café ce qui a réduit la production de riz et augmenté son cours avec pour effet d’affamer le Bangladesh voisin dont c’est l’alimentation principale, production de café somme toute contre nature et que rejettera à terme la nature mais peu importe lorsque les papilles de l’Occident ne voient pas la différence.

Il a fallu de l’eau, et pour cela que le soleil brille sur la mer à l’équateur et fasse s’évaporer l’eau salée qui en montant vers le ciel est devenue vapeur et nuages qui portés par les vents provoqués par les différences de pressions résultant des différences d’ensoleillement ont glissé vers l’Europe occidentale où ils se sont heurtés aux montagnes, puis en s’élevant pour les dépasser sans y parvenir ont crevé en pluie dont l’eau a ruisselé dans des ruisseaux qui font les grandes rizières qui se sont infiltrées dans les failles de la terre et ont ruisselé devant des fresques murales préhistoriques pas encore découvertes par un gamin désœuvré avant de réapparaître à des kilomètres pour finir dans le grand fleuve pour être captées en aval par la station d’épuration qui l’a purifiée et conduite vers le château d’eau qui l’a mise sous la pression nécessaire pour être canalisée vers l’arrivée d’eau légèrement entartrée de ce distributeur de boissons chaudes.

Il a fallu la pièce de monnaie que j’ai inséré, frappée du bon coin dans une province française reculée par une entreprise centenaire qui ne s’est pas retrouvée en dépôt de bilan lors du passage à l’euro grâce à la bienveillance du gouvernement pour l’emploi dans les zones rurales, qui a négocié au niveau européen que la fabrication des nouvelles pièces ne serait pas centralisée et délocalisée ce qui, avec les différentiels de salaires favorables aux pays d’Europe de l’Est aurait pourtant été frappé du bon coin du bon sens, arguant que l’on tienne compte du savoir-faire de la frappe de la monnaie dans la vieille Europe.

Il a fallu qu’une machine rassemble ces éléments minéraux et organiques, elle-même montage d’éléments disparates résultat des hasards de la mondialisation mais dont on sait seulement qu’elle est fabriquée en Italie du Nord dans une petite entreprise héritée de grand-père qui a su résister aux délocalisations en innovant continûment et dont le patron vote pour la Ligue du Nord car il trouve qu’il paye trop d’impôts pour « Rome la voleuse » et pour ces immigrés qu’il n’hésite pourtant pas à embaucher sans être trop regardant sur leurs papiers pour faire le boulot du nettoyage des cuves contenant des produits chimiques et autres galvanisants…

Ainsi, en appuyant sur un bouton
D’un geste irréfléchi et insouciant,
Tous ces lointains événements
Se sont joints à mes lèvres
Comme une hostie,

Et moi, indifférent, négligemment
J’ai jeté le gobelet dans la poubelle…

Il y a un siècle l’être humain
Était un pur produit de son terroir
Qui le nourrissait de son lait,
« Appellation d’Origine Contrôlée ».

Mais les molécules qui nous composent
De plus en plus se mondialisent
Et je me sens perdu,
Autant qu’un pied de vigne de Bordeaux
Grandissant sous le soleil californien.


lundi 16 novembre 2015

Après Dissipation des Brumes Matinales


Le soleil se porte pale aujourd’hui !
Lui d’habitude si rayonnant, oui,
Il se prend la tête des mauvais jours,
Celle où il voile sa face alentour,
Lorsqu'il fait grise mine peu accorte,
Quand sa propre lumière l’insupporte.

Qu’il a du mal à se lever, matin !
Tout tourne autour de lui en ce matin.
Il est un peu rond d'hier, de ses ébats
Et il voudrait être au coucher, déjà.
Qu'il était bien dans son lit de nuages,
Ah ! Leur atmosphère ouatée et sage !

Couve-t-il jaunisse en préparation
Ou l’une de ses soudaines éruptions ?
Taquin, ne joue-t-il pas à cache-cache, 
Ou la tête aux nuages, à cache-taches ?

Ou bien ne veut-t-il plus voir notre monde
Plein d’Illuminés qui tuent, à la ronde
Sans l’ombre d’un doute à tort, de travers
Leurs semblables, à corps et à travers,
Où l’obscurantisme gagne et étreint

Lorsque l’esprit de lumière s’éteint ?

lundi 9 novembre 2015

Dépôt de Liban


Aujourd’hui que sans moi le grand Monde s’agite
Il me souvient qu’enfant, il entra dans ma tête
Tout à coup, en entier y faisant irruption
Comme un volcan violent en sa vive éruption !

Brûlante alors coula son actualité
Avec ses grands titres aux belles sonorités
Qui pénétraient en moi, inconnus et étranges,
Pour créer en mon esprit de saugrenues images.

Ainsi, le Shah d’Iran, ce souverain Persan
M’était comme un félin au vif regard perçant.
Les mollahs, de poussifs califes à Goscinny,
Les ayatollahs, des yaourts au lait, eh oui !

Les Maronites étaient pour moi des arbres verts,
Chiisme était conflit, Chiites durs tels pierre.
Les Phalangistes avaient aux mains d’immenses os, 
Je voyais les Druzes vêtus tels des robots !

Oui, leur sonorité, inconnue et étrange

Créait en mon esprit ces saugrenues images !

lundi 2 novembre 2015

Le Chêne Royal et le Frêne Communiste


Dans le parc de Versailles s’élevait la masse
De chênes de race, abris de chasses de race,
Au front haut vers le ciel, augustes et triomphants,
Multicentenaires et croissant à gestes lents.
Jardin à la française voulu par Le Notre
Qui jamais cependant ne fut vraiment le nôtre.

Juste à vol de moineau en terres communistes,
Sur des sols pollués, gravas des cités tristes
Le parc de la Courneuve était un no man’s landes
Gagné sur des terrains qui n'étaient qu'à revendre.
Là, des frênes chétifs et de race bâtarde
À croissance rapide, s’enracinaient en hardes.

Or en mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf,
La nuit de la Noël passa un ouragan.
Les vieux chênes de l’ouest, où l’air est élégant
Patatras, se brisèrent, mais pas les frênes neufs !

Vingt ans plus tard, il flotte un parfum de sous-bois
Dans le parc qu’éventre l’autoroute du nord
Tandis qu’à Versailles, le vent soufflant très fort
En première ligne a détruit le bois du Roi.

Morale :

Morts les arbres royaux, par décapitation
Tandis que la roture, elle, sur les bordures
Croit et se multiplie sur les débris impurs.
Vent-gence ironique, comme une Révolution !