lundi 19 mai 2014

Pas sage obligé

Petite, voici que tu atteins l'âge
Où tu en as vraiment assez du lait.
Un désir soudain d'arômes moins sages
Aux saveurs davantage acidulées
Que tu ne connais certes pas encore
Mais dont tu pressens l'envie, prend ton corps.
Envolée l'insouciance de l'enfance
Qui jamais ne rime avec innocence,
Oui, voici que survient l'adolescence
Et ses sensibles soucis d'apparences.
Toi, toute novice recrue des sens
Tu contemples ta continue croissance,
Spectatrice d'une recrudescence
Que tu voudrais freiner et maîtriser…
Mais qui se poursuit, de gré ou de force
À l'image des seins qui ont poussé
Sans que tu y agrées, sur ton torse.
La zone de tous les dangers s'avance !
Pour qu'en toi tu puisses prendre confiance
Il te faudra passer bien des écueils
Comme celui de créer ton propre blog
Que tu nourriras d'intimes dialogues.
Ils ne seront pas forcément très sages
Et sans doute y mettras-tu des images
De têtes de mort, ou de noirs cercueils
Auprès de cœurs, de loirs et d'écureuils.


L'écoute des chanteurs sur ton I-pod
Autant que le port de jean taille basse
Exposant ton nombril à marée basse
Seront des passages obligés commodes
Afin que tu te fondes dans la masse.
Mais je sais bien, paradoxe charmant,
Qu'un jour contre toute attente, vraiment,
Naîtra de ce conformisme effréné
Ta véritable adulte identité.

dimanche 11 mai 2014

Embâcle



Quadrillée de grands ensembles muraux
Qui s’avancent, tels navires amiraux
Dans cette ville ici où tout se bâcle
Les trottoirs m’ont saisi, comme en embâcle.

Le temps d’un sentimental hivernage
Je colle à leurs plaques de bitumage,
Englué jusque par l’air que je hume
Chargé des errances déjà posthumes.

Sans fin, je longe l’épaisseur des murs
Où s’absorbent vos intimes murmures,
Bien indigeste pâté de maisons
Autour duquel je tourne sans raisons.

Chétif, entre deux pavés un brin d’herbe
Tente de vivre en l’univers acerbe
Et moi, comme lui, cherchons…le Miracle !
Celui qui retarderait…la débâcle.

lundi 5 mai 2014

Jardin d'enfances

Dans ce verdoyant parc de ma petite enfance,
Terreau dérisoire de mes premières errances
Où s'enracinent tant, et tant de souvenirs,
Où jeune se planta le décor à venir...

Lieu qui pour moi jadis résumait tout le monde,
Moi qui ne voyais pas l'au-delà à la ronde
Mais me sentais héros tel Vasco de Gama
Quand j'allais, découvrant ses verts panoramas...

Lorsqu'aujourd'hui je prends ses chemins ombragés
Chargés de ces traces que j’ai pu y laisser
C'est en ma mémoire, oui, qu'alors je me meus,
Empruntant ses canaux, étranges et ombrageux.

Ainsi, dans le jardin aux haies en labyrinthe
Je m'égare en pensées dans mon passé, sans crainte,
Dans ce présent aussi, compliqué et tordu
Où je ne puis trouver ni dessein, ni issues.

Dans ce parc, les arbres à la croissance rapide
Aux bizarres branches, au départ intrépides,
Qui pourtant y ont crû n'ont pas atteint le ciel,
Autant que moi plantés, espoirs artificiels !

Près de la rivière, en voyant l’eau couler
Je mesure que je ne suis pas Dorian Gray
Quand dans l’eau fugace je perçois mon reflet
Qu’un léger vent d'antan vient rider et enfler.

Je m’arrête à l’ombre des jeunes rires en fleur
Et je m'allonge en long en le sens de la langueur
Dans cette clairière aux lumineux souvenirs
Contempler feue ma vie, des yeux la soutenir.

Mais hélas, voraces de vraies ronces ont surgi,
Épineux problèmes parasitant l'esprit !
Griffant l'insouciance, qui s'est évanouie
Et ce vert paradis, d’avec leur force inouïe.

Indifférents, au loin, vois ces passants passer
Qui prennent la suite
Tandis que je pense aux figures du passé
Qui prirent la fuite.