Planté en le
Palais-Royal, je suis un arbre,
Parmi les cent
statues, toutes de riche marbre
Et que de jalousie
autour cela génère !
Car indénombrables
sont mes verts congénères
Qui donneraient
tout, oui, pour déployer leurs tiges
En cet auguste
lieu au renom de prestige !
Moi et mes
compères boisés nous inspirâmes
Colette, dont ici
subsiste encore l’âme
Mais qui pourrait
croire à voir tant d’Institutions
Qu'y foisonnait,
jadis, la crue prostitution ?
Identique aux
tilleuls plantés par vos aïeuls,
Rien n’arrête
votre œil sur notre mur de feuilles,
Lui qui se dresse droit en hautes frondaisons,
Ici, règne en
légion l’ordre à Napoléon !
Bannis par les
gardiens sont les cris des enfants
Et nous n’aimons
guère ces jeunes-là, grimpant,
Qui nous montent et
tirent nos feuilles sans raison
Puis, devenus
grands, gravent sur nos frêles troncs
Leurs serrements
d’amour d'êtres écorchés vifs
Qui nous laissent
à nu, pauvres hêtres écorcés vifs !
Tous, nous sommes plantés
selon une enfilade
Qui du Palais
voisin singe les colonnades,
Belle perspective
en juste honneur à ce lieu,
Mecque plus ultra
de l’esprit de Richelieu !
J’entends dire certains,
assez malignement,
Que nous ne sommes là que pour l'alignement.
Et alors ? Il nous
sied d’être décoratifs,
Toujours à la
pointe et élégants, tels des ifs.
Orgueilleux, il
est vrai, de cette ombre agréable
Que l’on offre aux
crânes des hommes d’État glabres !
C’est un fait que
jamais je confesse en revanche
Je ne puis
librement redéployer mes branches
Alors que mes
cousins des belles forêts franches
Eux, poussent en
liberté et comme ça les branche !
Ce noble élagage,
que l’on dit en marquise,
Où aucun végétal
ne peut faire à sa guise
Fait que l’hiver
venu on me coupe au carré
Car croître ne m’est
permis que d’un seul côté !
Cette rude
entaille, qui taille sans respect
Me fait venir,
j’avoue, l’envie de tout planter
Et d’abandonner ce
jardin à la française
Pour un beau jour,
qui sait, oui…filer à l’anglaise !